La Fédération internationale des traducteurs constatant :
* que la traduction s’affirme dans le monde contemporain comme une
activité universelle, permanente et nécessaire ;
* qu’en rendant possibles les échanges matériels et spirituels entre les
peuples elle contribue à une meilleure compréhension entre les hommes et
enrichit la vie des nations ;
* qu’en dépit des conditions variées dans lesquelles elle est exercée,
la traduction doit être reconnue de nos jours comme une profession
spécifique et autonome; désireuse d’établir, sous la forme d’un acte
solennel, les principes généraux inhérents à la profession du traducteur,
en vue notamment :
- de faire ressortir la fonction sociale de la traduction,
- de préciser les droits et devoirs du traducteur,
- de poser les bases d’un Code Moral du traducteur,
- d’améliorer les conditions économiques et le climat social dans
lesquels le traducteur exerce son activité,
- de recommander certaines lignes de conduite pour les traducteurs et
pour leurs organisations professionnelles, et de contribuer de cette
façon à l’affirmation de la traduction en tant que profession autonome
et spécifique,
présente le texte d’une charte destinée à guider le traducteur dans
l’exercice de sa profession :
Chapitre I :
Devoirs généraux du traducteur
1. La traduction, étant une activité intellectuelle dont l’objet est la
transposition de textes littéraires, techniques et scientifiques d'une
langue dans une autre, impose à celui qui l’exerce des devoirs
spécifiques tenant à sa nature même.
2. Une traduction doit toujours être établie sous la seule
responsabilité du traducteur, quelle que soit la nature du rapport ou du
contrat le liant à l’utilisateur.
3. Le traducteur se refusera à donner au texte une interprétation qu'il
n’approuve pas, ou qui le ferait déroger aux devoirs de sa profession.
4. Toute traduction doit être fidèle et rendre exactement l’idée et la
forme de l’œuvre originale, la fidélité constituant pour le traducteur à
la fois une obligation de nature juridique et un devoir moral.
5. Il ne faut pas confondre cependant traduction littérale et traduction
fidèle - la fidélité de la traduction n’excluant pas une adaptation
nécessaire pour rendre la forme, l’atmosphère, la signification profonde
de l’œuvre, sensibles dans un autre pays et une autre langue.
6. Le traducteur doit posséder une bonne connaissance de la langue à
partir de laquelle il traduit, mais surtout la maîtrise de celle dans
laquelle il traduit.
7. Il doit posséder également une culture générale et connaître
suffisamment la matière qui fait l’objet de la traduction et s’abstenir
d'entreprendre une traduction dans un domaine qui sort de sa compétence.
8. Le traducteur doit s’abstenir de toute concurrence déloyale dans
l'exercice de sa profession ; en particulier, il s’efforcera d'obtenir
une juste rémunération et n'acceptera pas de tarif inférieur à ceux qui
seraient éventuellement fixés par les règlements ou lois.
9. D’une manière générale, il ne doit accepter ni demander de travail à
des conditions humiliantes pour lui et pour la profession qu'il exerce.
10. Le traducteur est tenu de respecter les intérêts légitimes de
l'utilisateur, en considérant comme secret professionnel les données
dont il a pu prendre connaissance grâce à la traduction qui lui a été
confiée.
11. Étant un auteur «dérivé», le traducteur est assujetti à des
obligations vis-à-vis de l’auteur de l'œuvre originale.
12. Il est tenu d'obtenir de l'auteur de l’œuvre originale ou de
l'utilisateur l’autorisation de traduire cette œuvre et de respecter
tous les autres droits dont l'auteur est investi.
Chapitre II :
Droits du traducteur
13. Tout traducteur jouit, relativement à la traduction qu’il a faite,
de la plénitude des droits que le pays dans lequel il exerce son
activité reconnaît aux autres travailleurs intellectuels.
14. La traduction, étant une création intellectuelle, jouit de la
protection juridique reconnue aux œuvres de l’esprit.
15. Le traducteur est donc titulaire d'un droit d'auteur sur sa
traduction, et investi, par suite, des mêmes prérogatives que l’auteur
de l'œuvre originale.
16. Le traducteur jouit en conséquence de tous les droits patrimoniaux
et moraux inhérents à la qualité d'auteur.
17. Ainsi, le traducteur conserve pendant toute sa vie le droit de
revendiquer la paternité de son œuvre, dont il s’ensuit notamment :
a/ que le nom du traducteur doit être cité d'une façon manifeste et non
équivoque lors de toute utilisation publique de sa traduction ;
b/ que le traducteur est autorisé à s’opposer à toute mutilation,
déformation ou autre modification de sa traduction ;
c/ que les éditeurs et autres bénéficiaires de la traduction n’ont le
droit d'y apporter aucun changement sans le consentement préalable du
traducteur ;
d/ que le traducteur est autorisé à interdire toute utilisation abusive
de sa traduction et à s’opposer à toute atteinte préjudiciable à sa
réputation ou à son honneur.
18. De même, le traducteur est investi du droit exclusif d'autoriser la
présentation, la publication, la transmission, l’adaptation, la
retraduction, la modification et autres transformations de sa traduction,
et, d’une manière générale, l’utilisation de sa traduction sous quelque
forme que ce soit.
19. Il appartient au traducteur, pour toute utilisation publique de sa
traduction, un droit à la rémunération pécuniaire dont le montant est
fixé par le contrat ou par la loi.
Chapitre III :
Situation sociale et économique du traducteur
20. Le traducteur doit être assuré de conditions d'existence lui
permettant d’accomplir avec dignité et efficacité la tâche sociale qui
lui est confiée.
21. Le traducteur doit être associé à la fortune de son œuvre, avoir
droit notamment à une rémunération proportionnelle au produit commercial
de l’œuvre traduite.
22. Il doit être reconnu que la traduction peut se présenter aussi sous
l’aspect d'un travail sur commande et ouvrir, à ce titre, un droit à une
rémunération indépendante des profits commerciaux de l'œuvre traduite.
23. La profession de traducteur, au même titre que les autres
professions, doit recevoir dans chaque pays une protection équivalente à
celle que ce pays accorde à d’autres professions, par des contrats types,
des conventions collectives, etc.
24. Les traducteurs doivent bénéficier dans chaque pays de tous les
avantages garantis aux travailleurs intellectuels, et notamment de tous
systèmes d'assurances sociales, en matière de retraite de maladie, de
vieillesse, de prestations familiales et de chômage.
Chapitre IV :
Associations et syndicats de traducteurs
25. Les traducteurs, comme les représentants d’autres professions,
jouissent du droit de constituer des syndicats professionnels ou
associations.
26. En dehors de la défense des intérêts matériels et moraux des
traducteurs, ces organisations ont pour rôle de veiller au relèvement de
la qualité des traductions et de traiter toutes les autres questions
relatives à la traduction.
27. Elles interviennent auprès des pouvoirs publics dans la préparation
et l'établissement des mesures réglementaires et législatives concernant
la profession.
28. Elles s'efforcent de maintenir des contacts permanents avec les
organisations ayant recours à la traduction (syndicats d'éditeurs,
entreprises commerciales et industrielles, administrations privées et
publiques, organes de presse, etc.) en vue d’une étude et d'une solution
de leurs problèmes communs.
29. En veillant à la qualité des œuvres traduites dans leur pays, elles
se tiennent en liaison avec les sociétés d’auteurs, les organismes
culturels, les sections nationales du Pen Club, les représentants de la
critique littéraire, les sociétés savantes, les universités et les
instituts de recherche scientifique et technique.
30. Elles sont appelées à exercer une action d'expertise et d'arbitrage
dans tous les différends opposant traducteurs et utilisateurs de
traduction.
31. Il leur appartient de donner leur avis sur la formation et le
recrutement des traducteurs, de même que de participer avec les
universités et les instituts spécialisés à la réalisation de ces buts.
32. Elles s’efforcent de réunir les informations de toutes provenances
intéressant la profession pour les mettre à la disposition des
traducteurs sous forme de bibliothèques, revues, dossiers, bulletins, et
créent, à cette fin, des services de renseignement pratiques et
théoriques, organisent des réunions et des colloques.
Chapitre V :
Organisations nationales et Fédération internationale des traducteurs
33. S'il existe dans un pays plusieurs groupements de traducteurs
constitués soit sur une base régionale, soit par catégories de
traducteurs, il est souhaitable que ces groupements coordonnent leurs
efforts, tout en gardant leur individualité, dans une organisation
nationale centrale.
34. Dans les pays où il n’existe pas encore de syndicat de traducteurs
ou d'association, il est suggéré à ces derniers d’unir leurs efforts en
vue d’aboutir à la création indispensable d’un tel organisme, aux
conditions requises par les législations de ces pays.
35. Afin d’assurer par des efforts communs la réalisation de leurs buts
sur le plan mondial, les organisations nationales représentatives des
traducteurs sont appelées à s’unir dans la Fédération internationale des
traducteurs (FIT).
36. L’association des traducteurs en groupements nationaux, de même que
celle de ces derniers dans la Fédération internationale des traducteurs
doit s’accomplir en toute liberté.
37. La Fédération internationale des traducteurs défend les droits
moraux et matériels des traducteurs sur le plan international, suit
l’évolution des questions pratiques et théoriques relatives à la
traduction et s’efforce de contribuer à la diffusion de la culture dans
le monde.
38. La Fédération internationale des traducteurs réalise ces objectifs
en représentant les traducteurs sur le plan international, notamment
dans les rapports avec les organisations gouvernementales, non
gouvernementales et supranationales, en participant à des réunions
pouvant intéresser les traducteurs et la traduction à l’échelle
internationale, en éditant des publications et en organisant ou en
faisant organiser des congrès permettant l’étude de questions
intéressant les traducteurs et la traduction.
39. D’une manière générale, la Fédération internationale des traducteurs
prolonge l'action des sociétés de chaque pays sur le plan international
définit sa ligne de conduite commune et coordonne leurs efforts.
40. Les associations nationales et la Fédération internationale des
traducteurs, leur organisme central, puisent l’énergie nécessaire à la
poursuite de leurs buts professionnels dans le sentiment de solidarité
existant entre les traducteurs et dans la dignité de la traduction qui
contribue à l’épanouissement de la culture dans le monde et à une
meilleure compréhension entre les peuples.
Last updated
24-10-19 22:05:18